Tyran ou humaniste ? Depuis 1959, l'opinion internationale s'est divisée sur la véritable nature de
Fidel Castroet de sa politique menée à Cuba. Ses détracteurs pointaient les dérives
dictatoriales de la Révolution, qui transformèrent l'île en un goulag
tropical. Ses soutiens (principalement les intellectuels de gauche
comme Jean-Paul Sartre) louaient un régime s'opposant à l'hégémonie
américaine, vantaient ses succès en matière d'éducation et de santé et
attribuaient ses échecs industriels et agricoles à l'embargo américain.
Il aura fallu attendre 2003 et une forte
répression contre la dissidence pour assister à une condamnation
quasi-unanime des pratiques du "Lider Maximo". Aujourd'hui, à la fin
annoncée de son règne, il ne reste plus grand-chose de l'aura de
Fidel Castro et du romantisme de sa Révolution.
Révolutionnaire débonnaire Charismatique,
Fidel Castrol'est sans aucun doute quand il entre à La Havane le 8 janvier 1959,
une semaine après la chute du dictateur Batista. Le peuple voit en lui
un révolutionnaire jovial, aimant les femmes, amateur de cigares, beau
garçon, barbu, au treillis vert olive qu'il porte comme une marque de
fabrique. Bref, un sauveur providentiel qui le débarrasse d'un
oppresseur sanguinaire, marionnette des Etats-Unis. Pour
Fidel Castro, alors âgé de 32 ans, il s'agit simplement d'une étape supplémentaire de sa longue lutte.
Fils
illégitime d'un propriétaire terrien et d'une de ses servantes, le
jeune Fidel est élevé dans la tradition catholique avant de fréquenter
les Jésuites. Après des études de droit, il devient avocat et défend
les pauvres. A l'époque, même s'il est anti-impéraliste,
Fidel Castro, plus que communiste, est un réformateur aux tendances patriotiques.
L'ami "Che" Guevara Sa
légende naît le 26 juillet 1953. Déjà aguerri aux techniques de
guérilla, il lance une attaque vouée à l'échec contre la caserne
Moncada, l'une des plus importantes de l'île. La plupart des 148
assaillants sont tués ou exécutés, Castro est capturé. Amnistié en
1955, il se réfugie au Mexique où il fonde le "Mouvement du 26 juillet"
et rencontre un autre guérillero, Ernesto Guevara. L'amitié entre les
deux hommes nourrira longtemps l'idéalisme des luttes révolutionnaires
en Amérique latine.
Dates-clés |
- 1926 : naissance - 1947 : participation au Coup d'Etat à St-Domingue - 1953 : attaque contre La Moncada, emprisonnement - 1955 : grâce, exil au Mexique - 1956 : retour à Cuba, guérilla - 8 janvier 1959 : entrée à La Havane - 1962 : crise des missiles 1976 : cumul de tous les pouvoirs - 1996 : visite au Vatican - 1998 : réception de Jean-Paul II - 2003 : répression de la dissidence - 2006 : hospitalisation - 19 février 2008 : renonce au pouvoir |
Le 2 décembre 1956,
Fidel Castroet 81 fidèles, dont le "Che", effectuent une opération kamikaze pour
rentrer à Cuba à bord du mythique "Granma", un voilier de douze places.
Il faudra trois ans à la guérilla, qui ne cesse de s'étoffer, pour
prendre La Havane.
Fidel Castro,
nommé Premier ministre, nationalise l'industrie, notamment américaine,
collectivise l'agriculture et exproprie les grands propriétaires
terriens, y compris sa propre mère. De plus en plus autoritaire, il se
rapproche de l'URSS de Khrouchtchev qui lui apporte son aide financière
et son savoir militaire. Cette politique exaspère évidemment les
Etats-Unis, qui voient l'île au mieux comme leur propriété, au pire
comme leur bordel.
Crise des missiles Washington
n'a plus qu'une obsession : renverser Castro. En avril 1961, une
opération de la CIA, appuyée par des contre-révolutionnaires exilés à
Miami, se termine piteusement dans la Baie des Cochons. Grandi par
l'affaire, Castro proclame sa révolution "marxiste-léniniste". Réponse
de Washington en février 1962 : un embargo commercial contre Cuba,
toujours en vigueur à ce jour. Le paroxysme est atteint en octobre,
après l'installation de missiles nucléaires soviétiques pointés vers
l'Amérique. Pendant 14 jours, le monde se voit au bord d'une guerre
nucléaire. En échange du retrait des engins, Castro obtient l'assurance
que son île ne sera pas envahie.
Le statu-quo
dure depuis plus de 40 ans, pendant lesquels Castro a bravé 10
présidents américains. A travers quelques réussites en matière
d'alphabétisation et santé, mais surtout de nombreux échecs, il marque
l'île de son empreinte. "
Fidel, c'est Cuba et Cuba, c'est Fidel",
résume la maxime. Soutenu par de nombreux intellectuels, le chef, qui
ne tombe pas dans le culte de la personnalité, reste présentable sur la
scène internationale.
"Cuba si, Castro no" Mais, politiquement, il reste inflexible, quitte à détruire l'économie du pays. "
Le socialisme ou la mort",
proclame-t-il encore après l'effondrement de l'URSS dans
d'interminables discours. La fin du soutien du "grand frère" entraîne
pourtant la mise en place d'une "période spéciale en temps de paix",
autrement dit un rationnement qui oblige les Cubains à vivre de trafics
et du système D. Symbole de sa faillite, le gouvernement doit légaliser
le dollar en 1993 et ouvrir l'île aux étrangers, souvent venus pour le
tourisme sexuel.
Résultat : à l'aube du XXIe
siècle, Castro, âgé de plus de 70 ans, doit faire face au désir
d'émancipation des Cubains. Les "balseros" - émigrants clandestins vers
Miami à bord de bateaux de fortune - sont de plus en plus nombreux. La
réponse, autoritaire, surprend alors qu'une ouverture avait été notée
auparavant, notamment avec la réception du pape en 1998. La lourde
condamnation en 2003 de dissidents fait perdre au "Lider" son reste de
crédit à l'international. "
Cuba si, Castro no" : en août 2006,
lorsqu'il quitte temporairement le pouvoir en raison de sa santé
défaillante, l'image jaunie du héros romantique des débuts s'était en
partie déjà effacée devant celle d'un vieux tyran avide de son pouvoir.
Un an et demi plus tard, le 19 février 2008, c'est encore plus le cas
au moment de son retrait définitif.